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Recyclage ou valorisation énergétique ? comment traiter les mégots ?

Le mégot de cigarette est le premier déchet mondial… Et pourtant sa gestion est encore mal appréhendée à tous les niveaux. Dans de nombreux départements en France, les mégots sont encore destinés à l’enfouissement et sont à l’origine d’une pollution importante des sols. C’est pour cette raison que des associations comme Tree6clope se sont engagées à collecter les mégots au plus proche des fumeurs. Mais une fois collectés, que faire des mégots ? Comment les traiter de la manière la plus vertueuse?

Cette question revient sans cesse et il n’est pas aisé d’y répondre. Chez Tree6clope, notre philosophie nous pousse à redoubler de vigilance face aux solutions miracles qui auraient un impact néfaste sur l’environnement. C’est pourquoi nous voulons explorer, décrypter et vous informer des différents processus existants.

Cet article est le premier d’une série plus longue consacrée au recyclage. Elle sera alimentée et mise à jour au fil de avancées de nos recherches et nos échanges avec les acteurs concernés. En attendant d’aller plus loin, nous allons déjà vous expliquer les avantages et les inconvénients des deux grandes solutions de traitement des mégots.

Vous verrez que le sujet est complexe. Ni tout noir, ni tout blanc. En effet, au stade de développement actuel, il n’existe pas de solution miracle. Alors vers quoi se tourner ?

On décrypte pour vous les « pour » et « contre » des deux principales solutions actuelles
– du recyclage
– de la valorisation énergétique

1. Le recyclage, un grand mirage ?

Actuellement, il n’existe pas 36 façon de recycler les mégots. Même si le secteur est particulièrement innovant, les acteurs pionniers du recyclage en France (Mégo, TchaoMégot, Eco Mégot) font ce que l’on appelle du recyclage « matière ». Le concept consiste à recréer une matière plastique ou fibreuse à partir de la matière contenue dans les filtres de mégots.

Lorsque les mégots arrivent dans les usines de recyclage, ils sont d’abord triés. Les filtres (composés d’acétate de cellulose) sont parfois re-triés selon leur taille et leur qualité puis dépollués. Tandis que les résidus de tabac et cendres sont soit compostés, soit incinérés. Après dépollution, la matière plastique contenue dans le filtre est transformée en une nouvelle matière plastique servant comme mobilier urbain (Mégo! -Eco mégot) ou de base pour la confection d’intérieur de doudounes (tchao mégot).

La transformation de cette matière première contribue sans aucun doute à une économie circulaire et génère une industrie plus vertueuse. De plus, plusieurs études comportementales menées auprès de fumeurs montrent que le recyclage influence positivement leur attitude et contribue à la réduction du nombre de mégots au sol.

Mais alors pourquoi ne fait-on tous pas encore du recyclage ? Car il semblerait que dans l’état actuel de l’innovation, les procédés ne soient pas encore neutres pour l’environnement. 

Dans l’attente d’explications plus détaillées, voici un classement sommaire des petits points noirs du recyclage…

1. Le recyclage des mégots consomme plus de ressources qu’il n’en produit
(matières premières, eau, énergie)

Actuellement, le recyclage des mégots n’est pas encore neutre ou positif environnementalement parlant. 
Ainsi, pour produire une matière plastique de qualité à partir des filtres de mégots usagés, une entreprise comme Mégo utilise des ressources pour :

– Acheminer les mégots depuis les 4 coins de la France jusqu’à l’usine de recyclage (située en Bretagne)

– Dépolluer les mégots (Mégo, par exemple, dépollue les mégots avec de l’eau),

– Créer une matière plastique recyclée et le produit fini (ajout de matières premières pour fabriquer les plaques de plastique) 

Dans la seule étude existante sur la filière, l’INERIS soulève l’enjeu du transport, crucial pour le développement de la filière. A l’heure actuelle, le recyclage des mégots a un lourd bilan carbone. Ce qui se répercute par ailleurs sur les coûts et vient réduire l’accessibilité au dispositif.

2. La dépollution et le devenir des polluants : deux sujets qu’il ne faut pas prendre à la légère !

Malgré l’acquisition de brevets par les acteurs, aucune transparence ne permet de mettre en lumière les véritables solutions utilisées par les entreprises pour dépolluer les mégots. Sont elles aussi efficaces qu’elles le prétendent ? C’est la grande interrogation. De fait, aucune étude ou brevet rendu public n’indique ou ne prouve que les entreprises qui recyclent les mégots en matière plastique ou isolants (doudounes etc..) ont trouvé des solutions permettant de dépolluer à 100% les mégots. La dernière étude en date sur le sujet va plutôt dans le sens inverse, qualifiant les solutions existantes « d’expérimentales », avec des taux de dépollution pas encore convaincants. L’étude explique en effet que « à ce jour, aucune information technique relative à la performance
environnementale (dépollution, devenir du polluant, consommation de ressources…etc) n’a pu être obtenue du côté des filières de valorisation matière, soit parce qu’elles ne sont pas disponibles, faute d’études menées sur ce point, les procédés étant encore au stade de la recherche et du développement, soit parce que le domaine étant concurrentiel, les entreprises qui disposaient d’informations à ce sujet n’ont pas souhaité les communiquer.« 

Dans l’attente de nouvelles études, Tree6clope compte interroger les différents acteurs sur ce point. Celui-ci soulève une problématique sanitaire et éthique majeure quant à la vraie « performance du recyclage ».

3. Le développement du recyclage à une échelle industrielle pourrait s’avérer contre-productif pour la protection de l’environnement.

Depuis quelques années, le recyclage des mégots se développe et se transforme en une activité lucrative. Un des risques est que certains acteurs se détournent du problème de base -la pollution causée par les mégots- pour  ne s’intéresser qu’aux bénéfices.  Actuellement l’objectif des acteurs du recyclage consiste à donner une seconde vie aux mégots. Ils contribuent également à la sensibilisation des citoyens. Cependant, si ces acteurs jouent dans une logique de profit, ils risquent de ne plus vouloir rencontrer l’objectif de base : celui de ne plus la produire ces déchets, et de faire disparaitre un déchet de l’environnement. Si cette situation en venait à se produire, adieu le changement de paradigme et la réduction des déchets à la source.

 

Assis debout en mégots fabriqués par MéGo!

Notre point de vue sur le recyclage :

 

A l’heure actuelle, les procédés de recyclage ont un potentiel énorme mais ils ne sont pas assez aboutis ou satisfaisants pour représenter de véritables solutions à l’échelle du territoire que nous couvrons. Les études réalisées en 2017 par l’INERIS sur la filière qualifient les solutions existantes « d’expérimentales » et laissent entrevoir des faiblesses autour de critères centraux tels que la dépollution de la matière créée. Le manque de transparence des procédés utilisés par la filière et le coût extrêmement élevé a encouragé Tree6clope à développer une étude avec des chercheurs français pour tester et évaluer la dépollution complète des mégots de cigarette. (Voir notre FAQ pour plus de détails)

Synthèse des points positifs :

Le recyclage permet de « marquer les esprits » des fumeurs, et donne à voir une innovation concrète aux citoyens concernés par l’environnement.

De plus, le recyclage reste une solution d’avenir ! Si l’on parvient à dépolluer les mégots à 100%, le recyclage peut représenter un potentiel de développement pour l’économie circulaire et créer des emplois qui ont du sens.

Ainsi, la collecte et le recyclage de mégots pourraient devenir des métiers de demain. Avec une activité économique tournée vers l’environnement

2. La valorisation énergétique une solution "provisoire"?

La valorisation énergétique est un procédé qui consiste à récupérer la chaleur produite par les déchets en combustion pour la transformer en énergie. En d’autres termes, la valorisation énergétique désigne l’incinération des déchets.

Partout en France, ce procédé remplace progressivement l’enfouissement des ordures ménagères. Mais certains territoires sont encore loin de bénéficier de ces infrastructures. Très encadrées, les Unités de valorisation énergétique sont soumises à des normes environnementales strictes, notamment en ce qui concerne leurs émissions dans l’air et dans l’eau.   

Malgré les progrès qu’il représente face à l’enfouissement, le procédé de la valorisation énergétique n’est pas très bien perçu et fait face à de fortes critiques de la part des mouvements qui prônent la réduction des déchets. Il est vrai qu’il ne faut pas considérer ces installations d’incinération comme des solutions quand il existe des solutions de réduction et de valorisation préalables, mais fort est de constater que l’on ne peut pas encore se passer de ce procédé pour faire disparaitre les quelques 14,5 millions de tonnes de déchets produits annuellement en France.

Mais où sont les mégots dans tout ça ? Aujourd’hui, le mégot de cigarette est un déchet ménager et finit inévitablement sa vie dans un incinérateur, ou pire, est enfoui. Il est difficile de « réduire » de déchet sans une véritable politique de prévention au tabac.

Néanmoins, dans le cadre de la lutte contre la pollution et des déchets sauvages, des associations comme Tree6clope ou encore Recyclop (Marseille) opèrent sur le terrain, sensibilisent et collectent les mégots pour procéder à une valorisation énergétique.

Malgré la vraie « solution » qu’il représente face aux polluants, qui sont détruits à 100% pendant la combustion, l’UVE n’est pas non plus une solution optimale.

Voilà pourquoi …

1. La valorisation énergétique n’est pas un levier comportemental pour les fumeurs

Schéma du processus de valorisation énergétique (SITCOM 40)

 

A contrario du recyclage qui « fait rêver »,  le terme  « valorisation énergétique » est globalement méconnu et technique. Lorsque l’on explique le principe de la valorisation énergétique aux personnes intéressées par le sujet, elles ne voient pas l’intérêt de créer une infrastructure pour collecter les mégots de manière séparée si c’est pour les envoyer vers cette filière. L’action de prévention sur le terrain en est souvent décrédibilisée car les mégots finissent « à la poubelle » et que le public ne voit pas l’intérêt d’agir.

En termes de communication, le principe n’est donc pas vendeur, même si après explication, la plupart des personnes sont persuadées qu’il est important de collecter les mégots de manière séparée et sensibiliser pour faire changer les comportements.

2. La valorisation énergétique détruit les polluants, mais aussi une potentielle matière première !

Un des avantages de la valorisation énergétique est qu’elle détruit les polluants des mégots à 100% par un processus de combustion.

 C’est aussi un inconvénient notable car la matière qui est incinérée pourrait être valorisée d’une autre manière. En détruisant la matière, on détruit une potentielle ressource.
C’est un des principaux points que l’on peut reprocher à cette solution.

2. Les installations de valorisation ne répondent pas toutes aux mêmes normes environnementales et ne prennent pas en compte la dangerosité du déchet.

Les Unités de Valorisation Énergétique sont des incinérateurs qui répondent à des critères environnementaux élevés grâce à un système de traitement des fumées en circuit fermés. Il en existe une centaine sur le territoire français. Ces infrastructures sont  destinées à traiter des déchets ménagers, et non des déchets dangereux. Même si actuellement il est possible d’y incinérer des mégots de manière sécurisée et d’assurer une dépollution complète de ceux-ci, elles ne répondent pas entièrement au problème.

En effet, le mégot est reconnu en tant que déchet toxique et éco-toxique et il est préconisé, dans une étude de l’INERIS qu’il soit pris en charge comme un déchet dangereux : 

  • « De par leur statut de déchet dangereux, les mégots seraient, en toute rigueur, à traiter dans une installation relevant de la rubrique 2770 de la nomenclature des installations classées (installation de traitement thermique de déchets dangereux). Ces installations sont environ au nombre de 60 sur le territoire français, dont la moitié sont des cimenteries et autres fours pratiquant la co-incinération. » extrait de l’étude de 2017.

Si la législation évolue, le mégot devra donc être traité dans des filières spécifiques pour déchets dangereux.

En attendant, les UVE et les installations de traitement pour déchets dangereux sont à prioriser. A l’inverse, il faut absolument bannir l’enfouissement des mégots ou leur incinération dans des incinérateurs classiques qui rejettent des particules nocives dans l’atmosphère.

Notre point de vue sur la valorisation énergétique :

 

Comme ce schéma l’illustre très bien, la valorisation énergétique est en quelque sorte le « dernier recours » pour éliminer un déchet.

En effet, le meilleur déchet est celui qui n’existe pas.

Néanmoins, nous privilégions pour l’instant la valorisation énergétique au recyclage car nous disposons d’une Unité de Valorisation à 20 km de nos locaux et privilégions l’accessibilité financière à notre association et l’adhésion d’un maximum de personnes physiques et morales. 

Nos efforts se portent actuellement sur un projet d’étude pour élaborer une nouvelle solution de recyclage. En attendant, la valorisation, préconisée par l’INERIS, est notre solution provisoire.

Synthèse des points positifs :

Actuellement, la valorisation énergétique possède deux avantages de taille :
– la proximité avec les gisements de mégots
– l’existence d’infrastructures réparties sur le territoire

De plus, les résidus de déchets font l’objet d’un traitement spécifique comme déchet dangereux.

Enfin, cette solution a un cout 10 fois inférieur au recyclage, ce qui se répercute sur l’accessibilité du dispositif.

La valorisation énergétique peut être considérée comme une solution de « dernier recours », mais c’est pour l’instant le mode privilégié par Tree6clope pour toutes les raisons exprimées ci-dessus.

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